La gendarmerie sénégalaise a interdit l'accès à la place de la Nation, à Dakar, où une manifestation non autorisée contre le report de l'élection présidentielle était planifiée pour vendredi. Les protestataires se sont dispersés dans les artères avoisinantes, où des affrontements ont éclaté avec les forces de l'ordre. Des barrières rouges délimitent la place de la Nation dans la capitale sénégalaise. En arrière-plan, plusieurs véhicules blindés de la police et des agents en uniforme montent la garde.
C'est à cet endroit que se sont rassemblés, via les réseaux sociaux, vendredi 9 février, les citoyens sénégalais souhaitant exprimer leur mécontentement face au report de l'élection présidentielle. Initialement prévue pour le 25 février, cette élection a été repoussée au 15 décembre suivant par décision de l'Assemblée nationale, sur demande du président Macky Sall.
"Par mesure de précaution, nous avons fermé à 10 heures", explique un enseignant d'une école voisine. Ce vendredi, plusieurs autres établissements scolaires de la capitale ont choisi de rester fermés en signe de protestation.
À 14h30, une foule se dirige vers les barricades, à la sortie de la prière. Des dizaines de fidèles, tapis de prière à la main, se voient contraints de rebrousser chemin et de prendre des routes secondaires pour rentrer chez eux. Face à la place, un restaurant ferme ses rideaux métalliques. "Il y a eu plusieurs manifestations ici, et en 2021, j'ai subi de gros dégâts. Lorsque la police bloque, des jeunes se faufilent et des affrontements éclatent", explique le propriétaire.
"Le respect des droits de l'Homme est primordial au Sénégal."
À l'heure prévue pour le rassemblement, à 15 heures, un groupe compact s'approche, accompagné de klaxons et de sifflets. Les véhicules de police font barrage et les premiers tirs de gaz lacrymogènes sont lancés.
"Le Sénégal est en train de sombrer dans la dictature. Nous voulions manifester pacifiquement, mais nous en sommes empêchés", déplore un jeune homme vêtu d'une chemise blanche, la couleur symbolique choisie par les manifestants pour l'occasion.
"Ousmane Sonko nous avait mis en garde sur la véritable nature de Macky Sall. Aujourd'hui, l'histoire lui donne raison. Le président ne fait que renforcer l'opposition", lance un autre protestataire. "Nous exigeons le respect de la constitution et le départ du pouvoir à la fin de son mandat, le 2 avril."
Feux et jets de projectiles
Des groupes d'hommes et de femmes portant des masques chirurgicaux s'engouffrent dans les ruelles, tentant de contourner le blocus. Les insultes fusent à l'encontre de Macky Sall : "Dictateur ! Dégage !"
Des fumées noires s'élèvent au-dessus des immeubles. "Les violences ont déjà commencé. Ils brûlent des pneus et lancent des pierres", explique un policier en tenue anti-émeute.
Derrière la mosquée, des individus allument des feux avec tout ce qu'ils trouvent : pneus, planches... La situation devient chaotique. Des manifestants lancent des briques, courent et se dissimulent dans l'épaisse fumée noire.
Plus loin, à l'abri des fumées, un homme se fait soigner une blessure au genou. "C'est la police qui l'a blessé. Il revenait de la mosquée et ils ont tiré une bombe lacrymogène en sa direction, et il est tombé !", dénonce un témoin. Un membre de la Croix-Rouge internationale, présent pour intervenir en cas de débordement, panse la blessure.
De l'autre côté de la place, des individus en civil, équipés de canons à gaz lacrymogènes, sortent d'une camionnette. Des renforts policiers sont appelés.
Le jeu du chat et de la souris se poursuit tout autour de la place. Sur un banc, devant la mosquée, deux vieillards, masques sur le visage, observent les allées et venues.
"Il faut tout documenter", déclare l'un d'eux. "La situation dans notre pays est très grave."